samedi 15 mars 2008

Les ectoplasmes de la pensée fast-food III

Règle 3 :la recette du roycco minute soupe. Les mass medias sont soummis à une contrainte déterminée dès lors qu'ils obéissent à des impératifs economiques ,en particulier du fait des recettes publicitaires dont ils dépendent;ceci se traduit très concrètement par cet impératif de produire le plus de "quantité de cerveau humain disponible" possible,soit ce qu'on appelle ,en terme politiquement correct ,la course à l'audimat. Un des effets les plus immmédiats concerne la temporalité très particulière propre aux mass médias qui est celle de l'urgence;il faut se dépecher pour produire l'info le premier,pour inventer un nouveau "concept" avant tout le monde.Question :comment une pensée qui prétend porter le titre de philosophique peut-elle exister dans cette temporalité propre aux médias de masse?Si Descartes nous a appris une règle essentielle de la pratique philosophique c'est celle de la lenteur ou négativement formulé,l'élaboration d'idées claires et distinctes,d'idées ayant une consistance philosophique est impossible dans la précipitation;je conclus trop vite lorsque je pense que 2+2=4 est une vérité indubitable;seule la lenteur dans la démarche a cette vertu de pouvoir mettre en question ce qui de prime abord paraissait persuasif. Les conditions de l'exercice de la pensée définissent donc une temporalité qui lui est propre et incompatible avec celle d'un mass média;produire le maximum de quantité de cerveau humain ,décrocher la timballe de l'audimat,recquiert une captation dudit cerveau qui se fasse instantanément ce qui requiert de donner à ce cerveau un produit qui soit immédiatement assimilable ,sans aspérité,sans la lenteur que réclamerait l'élaboration "d'idées claires et distinctes". La question qui s'impose partant de là touchant ce que sont "les penseurs" attitrés des mass médias c'est celle que Bourdieu formulait très exactement:"Il faut en effet se demander pourquoi ils sont capables de répondre à ces conditions tout à fait particulières,pourquoi ils arrivent à penser dans des conditions ou personne ne pense plus?(...)Pout etre capable de "penser" dans des conditions ou personne ne pense plus,il faut etre penseur d'un type particulier." On peut tenter une réponse:un tel penseur n'a plus le souci d'élaborer les "idées claires et distinctes" chères à Descartes ;un tel penseur fonctionne par "idées reçues";l'idée reçue a ce pouvoir que n'a pas l'idée claire et distincte de réaliser instantanément cette captation du "cerveau".Bourdieu encore:"Quand vous émettez une "idée reçue",c'est comme si c'était fait ;le problème est résolu.La communication est instantanée,parce que,en un sens elle n'est pas(...)A l'opposé ,la pensée est subversive :elle doit commencer par démonter les idées reçues et elle doit ensuite démontrer." Raison pour laquelle Bourdieu qualifie ces penseurs d'un genre très particulier de "fast thinkers" ,les penseurs-minute qui sont à l'exercice de la pensée ce que sont les fast-food à la grande gastronomie.La comparaison avec un James Stewart ou un Luky Luke hollywoodien n'est,en ce sens,pas si aberrante que cela si on veut bien lui donner ce sens:BHV l'homme qui pense plus vite que son ombre! BHV est bien un virtuose du "fast thinking" , accordons lui ce crédit:"Vous pouvez l’écrire, je considère que je suis l’écrivain le meilleur, l’essayiste le plus doué de ma génération. " (BHV 21.03.85); Evidemment,tenant compte de l'effet de cloture du champ qui est le sien ,il faut ajouter pour rectifier "dans l'espace médiatique". La rectte du roycco prend forme;il manque encore la règle suivante et on pourra délayer le sachet BHV dans le bol médiatique.

Les ectoplasmes de la pensée fast-food II

Règle 2:le renvoi d'ascenseur ou comment un ectoplasme cloture son champ. Dans l'espace médiatique ainsi occupé ne peut s'intégrer que des ectoplasmes de meme acabit:reprenons Castoriadis ou nous l'avions laissé "et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, (n'ont) aucun écho effectif?" Et Castoriadis précisait plus loin que cette absence d'écho ne présente au fond pas de différence essentielle quant à ses effets avec ce que serait une censure dans un régime d'ordre totalitaire;il s'agit dans les deux cas d'une réduction au silence qui garde pourtant l'aspect d'un fonctionnement démocratique ici. Bourdieu a traité cette question:"le fait que les journalistes qui ,au demeurant,ont beaucoup de propriétés communes,de condition,mais aussi d'origine et de formation ,se lisent les uns les autres ,se voient les uns les autres ,se rencontrent constamment les uns les autres dans des débats ou l'on revoit toujours les memes ,a des effets de fermeture,et il ne faut pas hésiter à le dire,de censure aussi efficaces,plus efficaces meme parce que le principe en est plus invisible, que ceux d'une bureaucratie centrale,d'une intervention politique expresse". C'est l'effet de cloture du champ médiatique qui doit retenir l'attention ici;pour le BHV ,le réseau de relations tissées ,le carnet d'adresse saturé va lui permettre de s'inscrire dans cette fermeture du champ médiatique qui ne va plus rien laisser passer qui lui soit hétérogène (sauf on verra plus loin dans une autre livraison à le tourner en ridicule ce qui sera d'autant plus facile du fait de l'absence de l'interlocuteur);à l'intérieur de cette cloture va ainsi pouvoir s'organiser un simulacre de débat démocratique,une sorte de catch de la pensée ou ,au bout du compte,il s'agira plus de faire la promotion des uns et des autres par un système de renvoi d'ascenseur;c'est ce qui donne aussi à comprendre qu'il n'est nul besoin de faire appel à une "théorie du complot" pour comprendre les mécanismes quasi-totalitaires à l'oeuvre dans la fabrique de la pensée médiatique et que ceux qui le font témoignent simplement de leur ignorance complète de ces mécanismes et offrent ainsi au champ médiatique une caricature d'opposition qu'il sera d'autant plus facile de tourner en ridicule . Illustration,le passage du BHV dans les Matins de France Culture: BHV (à Alexandre Adler) : « mais moi contrairement à toi je n’ai jamais été stalinien. » Catherine Clément (à BHV) : « (…) dans votre livre, dans ton livre, parce qu’il n’y a pas de raison de prendre des masques de vouvoiement. » Ali Baddou (à tous) : « Je préfère le vouvoiement pour ce qui me concerne, mais allez-y Catherine. » BHL : « (…) Euh Catherine, moi je tiens au tutoiement parce qu’on se tutoie depuis 20 ans, donc je crois qu’il ne faut pas faire semblant de se vouvoyer, ça serait artificiel, si vous permettez Ali Baddou. » Baddou : « Bon. C’est une convention de radio, mais... » BHL : « mais là ce serait… enfin moi j’ai du mal... » Baddou : « vous êtes libre, vous êtes notre invité. » BHL (à Clément) : « Non. Tu as évidemment raison, euh non pardon, tu as tort sur Chevènement (…) ». Plus tard, Marc Kravetz : « Moi je vouvoie Bernard-Henri Levy simplement parce que je ne suis qu’un journaliste, (…) c’est vrai qu’on se tutoie dans la vie par ailleurs parce qu’on s’est connu à une autre époque, (…) le livre est passionnant (…) ». Enfin, Alain-Gérard Slama : « J’ai trouvé ton livre plutôt gentil. C’est-à-dire que je t’ai connu plus méchant. » Et c'est ainsi que dans sa tournée promotionelle ,on ne trouvera pas plus d'interlocuteur critique du BHV qu'on ne trouve de saumons dans les dunes du Sahara;j'entend pas cette pseudo-critique qui n'est là au fond que pour faire la promotion du "produit" mais l'interlocuteur critique qui,comme Bourdieu,s'attaquerait aux conditions sociales ,médiatiquesqui rendent possible l'existence de l'écrivain-journaliste en question et qui s'attaquerait à la racine de ce système de représentations;florilège: Pierre Moscovici, après avoir fait la promo pour BHV sur France Culture le 6 octobre dans Le Monde des Livres (12/10) : « Je sais que Bernard-Henri Lévy agace parfois. Mais c’est aussi, c’est d’abord, un philosophe, un homme qui pense sans craindre la controverse, qui agit juste (…). Son livre, je l’avoue, m’est profondément sympathique, au sens fort du terme, car il exprime des sentiments que je partage. (…) Je partage largement ce diagnostic (…) Dans cette démonstration, qui rappelle un peu par son ton le Péguy de Notre jeunesse, (…), un livre utile au débat. (…) On y trouve une pensée, un avertissement, une grille de lecture. » Précisons ,un philosophe tel qu'il existe dans la représentation médiatique de ce qu'est un philosophe occultant ainsi complètement le fait que dans le champ de l'activité philosophique elle-meme ses produits commerciaux et sa praxis d'écrivain-journaliste ont tout au plus la valeur d'un matériau pour un examen critique des conditions de la société française. "Un homme qui pense sans craindre la controverse":la controverse que lui adresse qui?Celle de Deleuze déjà en son temps,de Vidal-Naquet,de Bouveresse,de Badiou,de Castoriadis,de Halimi,de Bourdieu? Celle que suggère,par exemple, Bourdieu:"BHV est devenu une sorte de symbole de l'écrivain-journal ou du philosophe -journaliste...IL faut voir qu'il n'est qu'une sorte d'épiphénomène d'une structure,qu'il est,à la façon d'un électron,l'expression d'un champ."Vous chercherez en vain la mise en acte reél et sérieuse de cette controverse dans l'espace médiatique.Par contre ,le type de controverse que laisse passer les filtres médiatiques,c'est la controverse inoffensive qui singe le débat celle que suscite un Vincent Peillon : " Comment dire l’intérêt, l’agacement, l’amitié, la réflexion qu’a suscités pour moi la lecture de ce livre ? En disant d’abord qu’il faut le lire, et le prendre au sérieux, et le discuter. Pour déblayer le terrain : ce livre s’inscrit dans une famille, pas seulement celle de la gauche, mais la famille Humanité qui porte le deuil de Dieu et fait la chasse à tous ses succédanés ". La controverse que suscite Le Nouvel Observateur qui, entre une publicité pour un costume Ralph Lauren, et une autre pour l’Alfa Romeo 159 s’interroge : " Polémique autour du " cadavre à la renverse " : Pour ou contre BHV ?"Ce qui frappe dans tout ce miasme dégoulinant c'est l'usage obsessionel du terme "débat" comme une sorte d'amulette magique pour mettre en scène ce catch de la pensée. Et le meilleur pour la fin Jean Marie Colombani dans Challenge:"Telle une figure légendaire du cinéma américain, BHV n’abandonne jamais !"Et de comparer notre cow boy des beaux quartiers à un James Stewart de la de la dialectique avant de conclure par un effarant:"En tout cas, le paysage intellectuel et politique a toute chance d’avoir à se déterminer pour ou contre BHV."Ce qui signifie que l'espace intellectuel en France est circonscrit ,au fond,à sa représentation médiatique,qu'hors des médias il n'est plus de pensée possible;la représentation confondue avec le réel comme il en va de meme pour les champs de l'economie et de la politique.Dans la représentation médiatique de la pensée philosophique BHV est une des références centrales,dans l'espace philosophique réel,il n'a,au fond ,pas plus de place qu'une chiure de mouche.Quand on en est à ce point de confusion et de mystification alors meme que dans le réel paysage intellectuel en France l'insignifiance du bonhomme ne mériterait meme pas une ligne si ce n'est à titre d'enquete sociologique ,on peut penser avec Bourdieu que le champ médiatique a à peu près accompli intégralement sa fermeture sur lui-meme. S'en est assez de tout ce cloaque pour le moment;prenons un bon bol d'oxygène d'attaquer la règle 3.

vendredi 14 mars 2008

Les ectoplasmes de la pensée fast-food I

règle 1 de l'ectoplasme pensant:occuper l'espace médiatique en faisant jouer son réseau de relations. Illustration:technique de vente de la dernière bafouille du BHV(1):c’est le 1er octobre 2007, dans l’émission de son ami Jean-Marie Colombani, « Faces à Faces », sur Public Sénat, que commence son marathon promotionnel.Le 4 octobre, au matin, on le retrouve chez son (autre) ami Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1, radio amie puisque détenue par Arnaud Lagardère(BHV était un ami intime de Jean-Luc Lagardère, le père d’Arnaud.Le soir, c’est Frédéric Taddéï qui lui offre micro, caméras et projecteurs dans l’émission de papotage « Ce soir ou jamais » (France 3). Voilà pour l'apéritif ;arrive le plat de resistance à partir du 8 octobre date de la parution de sa bafouille;accrochez-vous:le 8 octobre, donc, Libération lui consacre un portrait et Elle une interview fleuve. Le même jour, il glose aussi dans Le Parisien. Le 9 octobre, Nicolas Demorand l’accueille à bras ouverts dans le 7-10 de France Inter ; puis BHV va répandre sa vase pubarde dans « Le grand journal », sur Canal + où Michel Denisot l’accueille avec les égards dus à un monument de la pensée mondiale; Le 10 octobre, il est tout aussi bien reçu par l’équipe des Matins de France Culture. Le 11 octobre, il se fait portraiturer dans VSD et donne un entretien (pas très) exclusif à Paris Match. Le 12 octobre, c’est le quotidien parisien 20 Minutes qui le questionne ; il est convié par le duo de choc Guillaume Durand/Sylvain Bourmeau pour parler de son livre dans « Esprits Libres » sur France 2. Le 14 octobre, Serge Moati, parce qu’il aime les défis, consacre au scribouilleur son émission « Ripostes » sur France 5 dans une « Spéciale BHV »,. Le même jour, c’est le quotidien lyonnais Le Progrès qui l’interviewe. Le 15 octobre, BHV est, à 8 heures, « L’invité du matin » de Christophe Barbier sur LCI. Le 16 octobre, il se produit dans la « Matinale » de Canal + ; puis, à 13 heures, il est invité dans le journal de i-tv avant d’être reçu, de 18 heures 15 à 18 heures 25, par Olivier de Lagarde pour l’interview politique sur France Info. Passons au déssert: le 18 octobre, le voilà pour servir sa bouillie dans l'émission phare de RMC : « Les grandes gueules » . Le 19 octobre, BHL ne peut refuser l’invitation de Thierry Guerrier pour « C à dire » sur France 5. Le 21 octobre, Christine Ockrent, le reçoit sur France 3. Café,digestif et petits chocolats compris avant que la panse n'éclate: le 23 octobre, il enchaîne à nouveau trois émissions. Débutant la journée dès 8 heures sur Radio Classique, il peut, ensuite, aller deviser avec Michel Field sur LCI avant se faire lustrer chez l’impertinent Marc-Olivier Fogiel dans « T’empêches tout le monde de dormir » sur M6. Le 27 octobre, en fin de tournée, il rend à nouveau visite à son ami Jean-Marie Colombani dans « La rumeur du monde » sur France Culture. Le 29 octobre, BHV est même reçu, par Patrick Poivre d’Arvor dans « Vol de Nuit », sur TF1. Le 31 octobre, il est l’invité de l’émission « Le bateau livre » sur France 5, le 1er novembre, il est sur France Inter dans « L’humeur vagabonde » et, le 3 novembre, il clôture ce marathon médiatique sur Paris Première dans « Ça balance à Paris » animée par Pierre Lescure. La question qui s'impose est de savoir par quels mécanismes un individu qui n'est reconnu par ses paires que comme un clown brassant du vide peut se voir offrir un tel espace de promotion au point d'etre représenté médiatiquement comme le modèle de l'intellectuel et le digne héritier d'une tradition remontant au moins à Socrate?C'est la question que Castoriadis posait déjà en son temps:" Sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de veille et grande culture, un “auteur” peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la « critique » le porter aux nues, le public le suivre docilement – et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, n’avoir aucun écho effectif ?... Que cette camelote doive passer de mode, c’est certain : elle est, comme tous les produits contemporains, à obsolescence incorporée." Ne nous reste-t-il que la maigre consolation de savoir que le temps comme pour tout ce qui concerne les oeuvres de l'art fera son oeuvre et finira inexorablement par renvoyer ces produits à date limite de consommation dans les décharges de l'histoire? N'en jetez plus et passons à la règle 2 tantot.

PS:Je remercie sur ce coup le site ACRIMED qui s'est donné la peine de suivre à la trace le BHV et duquel j'ai tiré son tsunami médiatique.

http://www.acrimed.org/article2748.html


(1)Déformation de BHL qui vise à faire apparaitre l'essence cameloteuse du phénomène répondant ainsi à l'heureux diagnostic que faisait déjà Guy Hocquenghem en 1986 : « Drogué aux médias, à la popularité, tu ne tiens qu’à l’applaudimètre. Ton inexistence morale, chevalier du vide, révèle l’inexistence, sous l’armure, des croisés de notre génération blanche. Et cette inexistence est inscrite en tes initiales, BHL. Tu n’as même pas de nom à toi, rien qu’un sigle, comme RATP ou SNCF. »

Sarkozy-l'homme n'est pas une marchandise comme les autres

jeudi 13 mars 2008

Au royaume des chimères:actualité de Marx III

Intermède humaniste.
Il ne s'agit pas d'un lapsus,selon moi,à moins de donner à ce terme sa signification psychanalytique celle d'etre un symptome révèlant le fond caché de la pensée d'un individu. Pour celui chez qui la quantité de travail constitue le fondement de l'action politique,l'activité réelle des individus s'est perdue depuis longtemps dans les limbes de l'univers economique et de ses spectres. Il a absolument raison d'un point de vue capitaliste:l'homme n'est effectivement pas une marchandise comme une autre,c'est une marchandise extraordinaire. Marx:"(La capitalisation de la somme avancée) provient de l'échange d'une valeur contre une force créatrice de valeur.":sur la marché du travail ce qui est acquis en échange d'une valeur ,le salaire, ce n'est pas une autre valeur en contrepartie, ce n'est plus du blé contre de l'huile,des chaussures contre des chemises,c'est une valeur contre la source créatrice des valeurs. Il faut que sur le marché se présente une marchandise extraordinaire qui ne soit plus affectée d'un simple indice de valeur(exprimant la quantité de travail nécessaire à sa production) mais qui comporte le trait décisif de produire elle-meme de la valeur.Le procès de valorisation du capital trouve sa condition de possiblité dans le fait qu'il puisse se rencontrer sur le marché "libre" cette marchandise extraordinaire.Cette marchandise est extraordinaire,c'est-à-dire créatrice des valeurs en trois sens. Economiquement ,la force humaine de travail déterminée en tant que quantité de travail est une marchandise;son achat est le salaire ,soit la quantité de travail nécessaire à la reproduction jour après jour de la force de travail.Ce qui est mesuré dans le salaire c'est ce qui est mesuré pour n'importe quelle autre marchandise soit la quantité de travail qu'elle renferme,ici en l'occurence la quantité de travail nécessaire pour reproduire tous les jours la force de travail. Ici la marchandise en question est créatrice de la valeur équivalent à son salaire. Mais cette marchandise n'est pas seulement extraordinaire parce qu'elle est capable de créer la valeur équivalente à son salaire ;elle l'est encore à deux autres niveaux. Parcequ'elle est capable de créer plus que ce qui est nécessaire à la simple conservation de sa vie et donc aussi plus que ce qui est nécessaire à la simple reproduction jour après jour de sa force de travail.C'est un des deux secrets de la plus value pour Marx.La valeur crée en excédent par rapport à ce qui est produit comme salaire fonde la possibilité d'un accroissement du capital.Cette propriété qu'a la force subjective du travail de produire plus que le nécessaire et donc dans sa forme salariée plus que le salaire versé est pour Henry et d'ailleurs pour Nietzsche aussi une propriété qui n'est pas accidentelle,qui pourrait se rencontrer ou pas,c'est ,au contraire,une propriété qui exprime le fond métaphysique de la vie.Nietzsche en ce sens fut critique à l'egard du darwinisme:le sens de la vie n'est pas dans sa conservation comme le prétend le darwinisme;ce que veut la vie ce n'est pas sa simple conservation mais son accroissement:ce que veut la vie c'est plus de vie!La doctrine de la lutte pour la vie est ,pour Nietzsche ,symptomatique d'une vie sur le déclin qui ne peut plus réaliser les conditions de son accroissement et qui doit lutter simplement pour son maintien.L'economie capitaliste trouve ainsi son fondement dans quelque chose qui n' a plus rien à voir avec l'economie mais qui renvoie àl'essence créatrice de la vie.Le spectre du travail social,de la simple quantité de travail appartient au genre "vampire" qui suce le sang de cette essence créatrice pour réaliser sa valorisation. A un troisième niveau cette marchandise est extraordinaire en ce sens cette fois qu'elle seule permet la conservation de la valeur des matières premières et des instruments de production,conservation sans laquelle la réalisation de la plus value deviendrait impossible. Reprenons l'exemple que donne Marx pour illustrer cette 3ème dimension créatrice de cette marchandise extraordinaire;un entrepreneur capitaliste investit un capital de 100 thalers dans un procès de production qui se décompose comme suit:50 thalers de coton,40 de salaire et 10 d'instruments.On suppose que les instruments sont entierement consommés dans le procès de production et d'autre part que le trvailleur accomplit un temps de surtravail équivalent au temps de travail nécessaire(c'est-à-dire le travail nécessaire à la production de la valeur équivalente à son salaire) soit en échange des 40 thalers de son salaire ,le travailleur produit l'équivalent de 80 thalers;cependant 100 thalers ont été avancé à l'origine :le procès de production se solderait-il donc par un déficit de 20 thalers? Non mais à la condition expresse que la valeur des instruments et des matières premières soient conservée à l'issu de la production de telles sorte qu'on ait dans la comptabilité :80+50+10=140 thalers et donc une valorisation du capital de 40 thalers;la question décisive est donc de savoir comment s'opère cette conservation de la valeur? Commentant Marx M.Henry veut montrer que pour comprendre les conditions de cette conservation il faut quitter la sphère bruyante du marché economique des échanges car ce n'est pas sur ce plan qu'une telle conservation est rendue possible;ici encore nous sommes renvoyés au fond métaphysique de la vie . Henry:"Séparée de la force qui la maintient dans l'etre ,toute chose est promise au néant et y retourne immanquablement.Cette dialectique du travail mort et du travail vivant trouve son expression concrète dans le destin des valeurs d'usage qui sont des choses-pour-la -vie.Non seulement en ce sens qu'elles n'ont été créées que pour elle,pour l'usage qu'elle en fera,mais aussi et d'abord parcequ'elles n'existent qu'en relation à cette prise de la vie qui les a informées et pour autant que cette prise subsiste.Dès que celle-ci s'interrompt au contraire,dès que cesse le travail vivant...alors en effet l'etre partout se fissure de néant:de n'etre plus entretenu ou de ne plus servir l'outil se déforme et n'est plus utilisable,la fer rouille,le port s'ensable,la péniche pourrit,les conduites et les aqueducs eclatent,l'eau se répand dans des champs autrefois fertiles et les transforme en marais pestilentiels..." Le travail mort est aussi bien ce que Marx appelle du travail objectivé dans les biens de consommation et les instruments de production;la conservation de la valeur d'échange de ce travail mort suppose la conservation de leur valeur d'usage conservation qui nous ramène pour en comprendre la possibilité à la prise constamment renouvelée par laquelle cette "marchandise extraordinaire" évite aux biens et instruments de se détériorer.Ainsi seulement l'équation 80+50+10=140 devient possible.On tient ici le deuxième secret de la plus value pour Marx. Pour résumer :"L'homme n'est pas une marchandise comme les autres" est la formule à inscrire en lettre d'or au fronton de l'univers capitaliste et pour parodier Platon que nul n'entre dans cet univers s'il ne sait la faire sienne.

lundi 10 mars 2008

Au royaume des chimères:actualité de Marx II

Après la théorie passons aux travaux pratiques pour comprendre de quoi peut bien nous parler concrètement ce monsieur dans la video donné en lien. "Aujourd'hui les gens sonts contraints,pour vivre,de produire des merdes.............des merdes". Oui mais tout est dans la quantité de merde que tu produits;essayons une petite histoire pour illustrer la terrible césure qui s'institue entre la logique economique qui est celle de la quantité de travail et les besoins que la vie porte en elle qui font se soulever de colère notre ladre,entre l'economie et la réalité. Aujourd'hui on peut estimer qu'entre 2 à 5% de la production agricole sert à alimenter finalement en bout de chaine les hommes (1).Ou va le reste?Une grande part de cette production sert d'abord à produire de la viande ,à alimenter les animaux;on peut estimer que pour produire 1kg de viande il faut environ 10 kg de grains;si on prend le champ de monsieur lazare(exemple fictif référence au lépreux des évangiles) qui produit une tonne à l'hectare ,on calculera qu'à la sortie de l'étable il ne nous reste déjà plus que 100 kilos de nourriture végétale consommable par l'homme sur la tonne produite le reste s'étant perdu dans la transformation végétal-animal. Qu'advient-il ensuite de nos 100 kilos sur pattes qui nous restent?Il faut d'abord suivre les différentes phases du processus de fabrication et de conditionnement de la viande jusqu'en bout de chaine son apparition sur les étals des temples de la consommation:transport,abattoir,grossiste,supermarché;à chacun de ces stades,on peut estimer qu'il y a encore une certaine déperdition pour diverses raisons(erreurs et scories dans la production et le conditionnement,date limite de consommation dépassée,consommateurs qui rechignent à acheter le produit estimé trop cher ou de qualité douteuse etc):la perte est diffile ici à chiffrer exactement ;si nous l'estimons autour de 20% (un peu plus ,un peu moins ne change pas le fond de l'affaire),il ne nous reste plus que 80 kg sur la tonne initiale qui pourra finir dans le métabolisme du consommateur;mais il faut encore en retrancher une part car le consommateur lui-meme pourra la jeter aux orties pour diverses raisons:il a oublié de la manger à temps,le marmot un peu difficile n'en veut pas,vous- en- reprendrez- bien-non-merci-j'ai-le-ventre-déjà bien-plein;soyons optimistes et retranchons 10% seulement des 80 kg qui nous restent;en bout de chaine,on pourra donc estimer que 7à8% de la production du champ de monsieur lazare a fini dans l'estomac des ladres. Dans tout cela,il faut encore tenir compte de deux choses; que le français moyen mange beaucoup trop de viande par rapport aux besoins en protéines de son organisme;on peut estimer que seuls 50% de la viande consommée répond à de réels besoins de l'organisme le reste étant en excédent ;ensuite plus généralement la suralimentation dans les pays industrialisés qui est un des facteurs de cette nouvelle pathologie qu'on appelle l'obésité. Bilan des courses:entre 3 et 5 % de la production initiale de monsieur lazare a eu finalement une destination répondant aux besoins de la vie humaine. Tout le reste s'est perdu dans l'atmosphère par la chaleur dégagée par les animaux(émanationde méthane facteur aggravant le réchauffement climatique);dans les nappes phréatiques par les déjections animales,dans les sols et l'air par les déchets liés à la production,au conditionnemnt et au surplus non-consommé,dans l'organisme des ladres sous forme d'excédent de graisse et de cholesterol et dans tout cela on n'a pas pris en compte tous les dégats collatéraux(utilisation massive d'engrais chimiques pour une culture productive du champ,cout énergétique lié au transport,emballage plastique pour le conditionnemnt). "Les gens aujourd'hui pour vivre sont contraints de produire de la merde.............de la merde".Du point de vue de la vie réelle tout cela apparait comme un gaspillage absolument démentiel d'énergie;certes,mon ladre,mais ce qui importe c'est la quantité de travail et de ce point de vue là,du point de cet ectoplasme economique,ce système est le bon:on ne va pas dire à monsieur lazare de renoncer à exploiter 97% de son champ sous prétexte,que pour la vie,c'est en pure perte car enfin ce qui importe c'est que monsieur lazare travaille son nombre d'heures et ne soit réduit au chomage;on a donc besoin pour maintenir la quantité de travail de monsieur lazare que 97 % de ce qu'il produit réellement se perdent dans la nature et contribue chaque jour un peu plus à produire des gros lards dans les rues et une montagne de merde que la nature doit digérer. Mais ce n'est pas tout:du point de vue de la logique economique cette quantité faramineuse de merde va générer une somme astronomique de quantité de travail:quantité de grossistes,d'employés de supermarché,d'éboueurs,de camionneurs, dans l'industrie de l'engrais et des instruments de production,dans la publicité,quantité de médecins,de dieteticiens,de banquiers pour financer toute cette gigantesque merde,des assureurs et aujourd'hui un nouveau marché porteur pour l'emploi celui de l'écologie non pas,évidemment pour réfléchir aux conditions qui permettraient de sortir de cette logique infernale,pour supprimer la merde, mais pour définir des moyens de la recycler. Dans les termes de la quantité de travail qui est aujourd'hui l'alpha et l'oméga des politiques libérales comme celle de notre gouvernement,ce système est comme on dit"générateur d'emplois" et le ladre qui dans la rue réclame sa quantité de travail et sa quantité de pouvoir d'achat est sa caution démocratique.Mais en réalité,ce système a l'aspect d'une folie de cette folie qui fait s'exclamer à celui qui est avant tout un vivant:"mais aujourd'hui les gens pour vivre sont contraints de produire de la merde". Cette situation folle trouve ,selon moi,sa raison ultime,dans le divorce initial et fondateur de l'economie et de la réalité que Marx a présenté sous la forme de la distinction entre le travail réel et son abstraction dans la représentation economique du travail. Marx:"le travailleur n'est plus ici que du temps de travail personnifié.Toutes les différences individuelles se résolvent en une seule;il n'y a plus que des temps entiers et des demi-temps" (Le Capital) pendant que s'amoncellent indifférement nos montagnes de merde...

(1)http://www.decroissance.info/article.php3?id_article=573