jeudi 13 mars 2008

Au royaume des chimères:actualité de Marx III

Intermède humaniste.
Il ne s'agit pas d'un lapsus,selon moi,à moins de donner à ce terme sa signification psychanalytique celle d'etre un symptome révèlant le fond caché de la pensée d'un individu. Pour celui chez qui la quantité de travail constitue le fondement de l'action politique,l'activité réelle des individus s'est perdue depuis longtemps dans les limbes de l'univers economique et de ses spectres. Il a absolument raison d'un point de vue capitaliste:l'homme n'est effectivement pas une marchandise comme une autre,c'est une marchandise extraordinaire. Marx:"(La capitalisation de la somme avancée) provient de l'échange d'une valeur contre une force créatrice de valeur.":sur la marché du travail ce qui est acquis en échange d'une valeur ,le salaire, ce n'est pas une autre valeur en contrepartie, ce n'est plus du blé contre de l'huile,des chaussures contre des chemises,c'est une valeur contre la source créatrice des valeurs. Il faut que sur le marché se présente une marchandise extraordinaire qui ne soit plus affectée d'un simple indice de valeur(exprimant la quantité de travail nécessaire à sa production) mais qui comporte le trait décisif de produire elle-meme de la valeur.Le procès de valorisation du capital trouve sa condition de possiblité dans le fait qu'il puisse se rencontrer sur le marché "libre" cette marchandise extraordinaire.Cette marchandise est extraordinaire,c'est-à-dire créatrice des valeurs en trois sens. Economiquement ,la force humaine de travail déterminée en tant que quantité de travail est une marchandise;son achat est le salaire ,soit la quantité de travail nécessaire à la reproduction jour après jour de la force de travail.Ce qui est mesuré dans le salaire c'est ce qui est mesuré pour n'importe quelle autre marchandise soit la quantité de travail qu'elle renferme,ici en l'occurence la quantité de travail nécessaire pour reproduire tous les jours la force de travail. Ici la marchandise en question est créatrice de la valeur équivalent à son salaire. Mais cette marchandise n'est pas seulement extraordinaire parce qu'elle est capable de créer la valeur équivalente à son salaire ;elle l'est encore à deux autres niveaux. Parcequ'elle est capable de créer plus que ce qui est nécessaire à la simple conservation de sa vie et donc aussi plus que ce qui est nécessaire à la simple reproduction jour après jour de sa force de travail.C'est un des deux secrets de la plus value pour Marx.La valeur crée en excédent par rapport à ce qui est produit comme salaire fonde la possibilité d'un accroissement du capital.Cette propriété qu'a la force subjective du travail de produire plus que le nécessaire et donc dans sa forme salariée plus que le salaire versé est pour Henry et d'ailleurs pour Nietzsche aussi une propriété qui n'est pas accidentelle,qui pourrait se rencontrer ou pas,c'est ,au contraire,une propriété qui exprime le fond métaphysique de la vie.Nietzsche en ce sens fut critique à l'egard du darwinisme:le sens de la vie n'est pas dans sa conservation comme le prétend le darwinisme;ce que veut la vie ce n'est pas sa simple conservation mais son accroissement:ce que veut la vie c'est plus de vie!La doctrine de la lutte pour la vie est ,pour Nietzsche ,symptomatique d'une vie sur le déclin qui ne peut plus réaliser les conditions de son accroissement et qui doit lutter simplement pour son maintien.L'economie capitaliste trouve ainsi son fondement dans quelque chose qui n' a plus rien à voir avec l'economie mais qui renvoie àl'essence créatrice de la vie.Le spectre du travail social,de la simple quantité de travail appartient au genre "vampire" qui suce le sang de cette essence créatrice pour réaliser sa valorisation. A un troisième niveau cette marchandise est extraordinaire en ce sens cette fois qu'elle seule permet la conservation de la valeur des matières premières et des instruments de production,conservation sans laquelle la réalisation de la plus value deviendrait impossible. Reprenons l'exemple que donne Marx pour illustrer cette 3ème dimension créatrice de cette marchandise extraordinaire;un entrepreneur capitaliste investit un capital de 100 thalers dans un procès de production qui se décompose comme suit:50 thalers de coton,40 de salaire et 10 d'instruments.On suppose que les instruments sont entierement consommés dans le procès de production et d'autre part que le trvailleur accomplit un temps de surtravail équivalent au temps de travail nécessaire(c'est-à-dire le travail nécessaire à la production de la valeur équivalente à son salaire) soit en échange des 40 thalers de son salaire ,le travailleur produit l'équivalent de 80 thalers;cependant 100 thalers ont été avancé à l'origine :le procès de production se solderait-il donc par un déficit de 20 thalers? Non mais à la condition expresse que la valeur des instruments et des matières premières soient conservée à l'issu de la production de telles sorte qu'on ait dans la comptabilité :80+50+10=140 thalers et donc une valorisation du capital de 40 thalers;la question décisive est donc de savoir comment s'opère cette conservation de la valeur? Commentant Marx M.Henry veut montrer que pour comprendre les conditions de cette conservation il faut quitter la sphère bruyante du marché economique des échanges car ce n'est pas sur ce plan qu'une telle conservation est rendue possible;ici encore nous sommes renvoyés au fond métaphysique de la vie . Henry:"Séparée de la force qui la maintient dans l'etre ,toute chose est promise au néant et y retourne immanquablement.Cette dialectique du travail mort et du travail vivant trouve son expression concrète dans le destin des valeurs d'usage qui sont des choses-pour-la -vie.Non seulement en ce sens qu'elles n'ont été créées que pour elle,pour l'usage qu'elle en fera,mais aussi et d'abord parcequ'elles n'existent qu'en relation à cette prise de la vie qui les a informées et pour autant que cette prise subsiste.Dès que celle-ci s'interrompt au contraire,dès que cesse le travail vivant...alors en effet l'etre partout se fissure de néant:de n'etre plus entretenu ou de ne plus servir l'outil se déforme et n'est plus utilisable,la fer rouille,le port s'ensable,la péniche pourrit,les conduites et les aqueducs eclatent,l'eau se répand dans des champs autrefois fertiles et les transforme en marais pestilentiels..." Le travail mort est aussi bien ce que Marx appelle du travail objectivé dans les biens de consommation et les instruments de production;la conservation de la valeur d'échange de ce travail mort suppose la conservation de leur valeur d'usage conservation qui nous ramène pour en comprendre la possibilité à la prise constamment renouvelée par laquelle cette "marchandise extraordinaire" évite aux biens et instruments de se détériorer.Ainsi seulement l'équation 80+50+10=140 devient possible.On tient ici le deuxième secret de la plus value pour Marx. Pour résumer :"L'homme n'est pas une marchandise comme les autres" est la formule à inscrire en lettre d'or au fronton de l'univers capitaliste et pour parodier Platon que nul n'entre dans cet univers s'il ne sait la faire sienne.

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